Pour un instant être quelqu’un d’autre tissé dans le soi. Pour un instant effacer le réel du moi pour l’imaginaire du je. Jouer n’est-ce pas jouir ? Le théâtre fût d’abord une révélation. Pierre et le loup de Sergueï Prokofiev, Miguel angel Estrella au piano et moi 10 ans, le loup, figure noirci au charbon, gestuelle effrayante déambulant dans une forêt de carton pâte, musique crépusculaire. Oui moi, l’enfant de rien, timide, perdu dans un monde étriqué. Et puis, Ce cœur qui s’anime, cette âme qui vibre. D’effrayé, je devenais effrayant dans une traversée du miroir. Et puis, et puis ces applaudissements nourris et les émotions qui chavirent et ma détermination qui s’exacerbe, je veux alors faire du théâtre, le centre de mon univers. Parcours classique, Molière, Corneille, Shakespeare puis plus contemporain Ionesco et les premiers textes, les premiers mots sur un cahier, le désir d’écrire, d’hurler mon amour de la vie à la face du monde. Je ne veux rien d’autre qu’être comédien.
Puis… Plus rien, le silence, la rue, ce gouffre aux tentacules étouffantes, mon âme et mon corps meurtries, mon cœur flétri pour longtemps. 27 ans plus tard….Une annonce partagée par une connaissance, et moi, non plus l’adulte de 45 ans, vieux, désabusé peut-être… non, moi, 10 ans, enfant
intérieur trop longtemps refoulé. Tiens, de nouveau ce coeur qui vibre, l’empire des sens. Nieppe, Monsieur Boucq et sa bande de Nekrozotar. Les premières répétitions et enfin ce rideau qui s’ouvre.
Depuis j’arpente à nouveau ce chemin de saltimbanque dans une troupe humainement riche de ces individualités. Jouir à nouveau, levez le rideau s’il vous plait encore une fois !